Le marathon parlementaire a commencé. Plus de 1 700 amendements, un déficit public à contenir, des tensions politiques persistantes : le budget 2026 est en train de devenir un révélateur des lignes de fracture françaises. Si la réduction du déficit reste l’objectif affiché, ce sont bien les débats autour de la fiscalité et notamment une étonnante proposition d’« impôt universel » pour les expatriés qui captent l’attention. Décryptage d’un moment clé.
Un budget 2026 sous pression : ramener le déficit sous les 5 %
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 s’inscrit dans une trajectoire imposée par la Commission européenne : ramener le déficit public à 4,7 % du PIB en 2026, puis à moins de 3 % en 2029.
Pour y parvenir, le gouvernement mise sur deux leviers :
• 2/3 de l’effort budgétaire reposeront sur la réduction des dépenses publiques ;
• des économies ciblées dans plusieurs missions, hors « défense » qui, elle, continue de bénéficier d’une hausse de +6,7 Mds€.
Mais à l’Assemblée nationale, ce n’est pas uniquement la trajectoire globale qui est débattue : ce sont les lignes rouges fiscales qui sont en train d’être redessinées.
1 700 amendements : le Parlement veut reprendre la main
Dès le début de l’examen du texte, plus de 1 800 amendements ont été déposés, dont 341 jugés irrecevables par la Commission des finances. (BFMTV) Cette mobilisation massive montre une volonté claire des députés de tous bords d’infléchir la copie du gouvernement.
Plusieurs amendements significatifs ont déjà été votés en commission :
• Indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation, pour éviter l’entrée de nouveaux foyers dans l’imposition ;
• Prolongation de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, tant que le déficit reste supérieur à 3 % du PIB ;
• Défiscalisation des pensions alimentaires pour les enfants mineurs ;
• Plafonnement de l’abattement fiscal des journalistes à 3,5 SMIC.
Autant de signaux qui dessinent une réorientation partielle du texte vers une fiscalité plus « sociale », malgré la volonté affichée de rigueur.
LFI relance un vieux rêve : un impôt basé sur la nationalité
Mais l’amendement le plus surprenant est venu d’un autre angle. Dans une logique très inspirée du modèle américain, le député LFI Hadrien Clouet a déposé une proposition visant à instaurer un « impôt universel » pour certains expatriés français.
Que dit l’amendement ?
« Seraient soumis à l’impôt français les Français ayant résidé au moins trois ans en France sur les dix années précédant leur départ dans un pays à fiscalité inférieure de 50 % à celle de la France. »
En clair : si vous êtes français, que vous avez vécu récemment en France, et que vous vous installez dans un pays à fiscalité douce (Dubaï, Monaco, Malte…), vous pourriez être imposé par la France, même en étant résident fiscal étranger. C’est le même mécanisme que celui utilisé par les États-Unis avec leurs citoyens.
Une révolution fiscale ?
Dans les faits, l’amendement a été rejeté en séance plénière. Mais il marque une évolution idéologique forte dans les rangs de la gauche radicale, mes également du Rassemblement National, qui petit a petit montre sont vrais visage de partie politique de gauche, qui milite de longue date pour une fiscalité basée sur la nationalité. Le texte prévoit un crédit d’impôt égal aux impôts déjà payés à l’étranger, pour éviter la double imposition, mais la philosophie est claire : la citoyenneté engagerait à contribuer, peu importe le lieu de résidence.
Est-ce réalisable ?
Pas vraiment, voici pourquoi :
• Il faudrait renégocier des centaines de conventions fiscales bilatérales ;
• Cela heurterait les principes européens (libre circulation, non-discrimination) ;
• Cela imposerait à la France de déployer un appareil fiscal à l’international, comme le font les États-Unis, mais sans en avoir la puissance d’exécution.
Même certains députés de la majorité jugent cette proposition « symbolique mais inapplicable ». Pourtant, elle a le mérite de poser une question : quels liens fiscaux conserve-t-on avec les Français qui s’expatrient ?
Une ligne de crête instable
Le budget 2026 est donc à la croisée des chemins. Entre réduction des déficits, justice fiscale, pression sur les hauts revenus, amendements idéologiques et renoncements politiques, il symbolise une époque de tension économique et institutionnelle.
Le gouvernement tente de maintenir l’équilibre sans recourir (pour l’instant) au 49.3, dans un Parlement éclaté où chaque amendement devient un bras de fer.
On assiste à une glissade lente mais assumée vers une fiscalité toujours plus contraignante pour les classes moyennes. Encore une fois, l’État préfère taxer ceux qui travaillent, produisent, créent plutôt que de réformer en profondeur ses institutions et mettre fin au gaspillage social.
Entrepreneurs, indépendants, expatriés : vous êtes devenus la variable d’ajustement. L’idée d’un impôt universel, aussi irréaliste soit-elle juridiquement aujourd’hui, sert avant tout d’outil de test idéologique. Elle en dit long sur les mentalités qui s’installent à gauche comme à droite : des mentalités qui n’acceptent plus que des Français réussissent, surtout en dehors des clous.
Ce glissement, on le voyait déjà à l’œuvre dans le système éducatif : il est plus simple de niveler par le bas que d’élever les plus faibles vers l’excellence. La France reste fascinée par le contrôle, méfiante face à la liberté économique. C’est une constante de son ADN fiscal.
À ceux qui entreprennent, qui voyagent, qui s’expatrient : il faudra plus que jamais anticiper, structurer, se protéger.
Parce que la prochaine réforme ne viendra pas avec un bandeau rouge sur BFM, mais avec un amendement voté à minuit.
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Ce qu’il faut retenir
• Le budget 2026 vise une réduction du déficit à 4,7 % du PIB, mais les marges de manœuvre sont étroites ;
• Les amendements votés traduisent une volonté d’orienter le texte vers plus de « justice fiscale » ;
• Une proposition LFI vise à instaurer une imposition basée sur la nationalité, à l’américaine, pour certains expatriés : elle a été rejetée, mais relance un débat explosif ;
• Derrière la technicité des chiffres, c’est une vision de la fiscalité, du lien à la nation et de l’équité qui se joue dans les hémicycles.